Couples sans enfant : la dépression silencieuse des femmes africaines

« Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris », disait Victor Hugo pour justifier le bonheur de la natalité dans une famille. En Afrique, c’est l’un des premiers souhaits des familles. Lorsqu’une femme rejoint son mari, les familles leur souhaitent une bonne progéniture. Par ailleurs, c’est le principal des familles d’assurer la succession de leur progéniture. La naissance d’un enfant dans une famille africaine est toujours saluée avec joie et reconnaissance envers Dieu et les divinités. Plus qu’un culte, on retrouve des moments de vénération et de célébration grandioses. Ainsi, pour chaque femme, le vœu est d’être mère et surtout la mère du garçon de son mari.
Toutefois, les grâces de la maternité ne s’invitent pas toujours dans les couples. Elles sont nombreuses, ces femmes mariées qui n’arrivent pas à concevoir pour certaines raisons. Et ceci sous le regard méfiant et méprisant de leur belle famille. Sous cette pression sociale, beaucoup de femmes souffrent en silence et dépriment. Voici l’histoire d’Halima, femme mariée et sans enfants pendant 9 ans.
Le vécu d’Halima
Mariée à 22 ans, j’ai rejoint mon mari après les cérémonies de la dot. C’était magique. J’ai connu mon mari très tôt et nous avions découvert les joies du mariage. La passion nous animait et nous vivions notre amour pleinement. J’étais une femme bien vue dans la belle famille. Pour sa maman, j’étais la fille qu’elle n’avait pas pu avoir. Chaque visite dans la famille de mon mari était pour moi une occasion de célébration grandiose. Repas, joie, bonheur, bavardages, jeux, rigolades à la cuisine, c’était des moments uniques, qui pour moi résumaient le bonheur et les joies du mariage. Et cette joie, il ne suffisait que d’un regard dans les yeux de Ola pour me rendre compte à quel point ils s’illuminaient. Il n’y avait plus de doute. Nous nous sommes retrouvés. J’étais certaines d’avoir rencontré mon âme-sœur et de jouir pleinement de cet amour. Nous avions alors décidé de nous unir selon les liens sacrés du mariage et de la tradition. La cérémonie était géniale. C’était un spectacle inédit. Ma belle famille m’honorait. C’était sans le moindre doute, vu les relations que j’avais avec elle. Tant d’honneur pour moi, cette femme qui entre dans leur famille.
Le début d’un calvaire pour la femme
Mais très tôt, je suis redescendue de mon piédestal. Dans nos sociétés africaines, la procréation est l’objectif premier de l’union du couple. L’enfant est donc considéré comme le fruit très attendu de toute union. 5 ans après le mariage, on n’a pas eu un seul enfant. J’étais vraiment abattue. Ma belle-famille, belle-mère, qui ont été mes principaux soutiens dans le processus de cette union avec mon mari, se sont retournées contre moi. J’ai été traînée dans un bourbier. Accusée d’être incapable de pouvoir donner un enfant à leur enfant, mon mariage a commencé à s’écrouler sous le poids de la pression sociale. Je me suis remontée les bretelles un certain nombre de fois avec le soutien de mon mari.
Mais peu après, il a commencé à céder aux pressions de sa famille. Femme stérile, femme incapable de procréer, je faisais l’objet de mépris de ma belle-mère. Vu mon jeune âge, ma belle-mère n’hésitait pas à me jeter à la face que j’avais mal géré ma jeunesse, j’ai sûrement fait des tas d’avortements, j’ai sûrement été une dépravée, tels étaient les mots que j’entendais sans cesse. De la préférée, j’étais passée à une persona non grata. Je ne pouvais plus rendre visite à ma belle-famille. Mon mari, Ola, a commencé par se rendre chez ses parents sans moi.
Je commençais à être reléguée dans mon propre couple. A plusieurs reprises, ma belle-mère a suggéré à Ola de me répudier. C’est un cauchemar que je n’oserais souhaiter, même à mon ennemie. Mais par amour, mon mari n’a pas osé. Toutefois, il ne pouvait supporter ne pas pouvoir rendre heureux ses parents avec un petit-fils, cet enfant tant attendu.
L’effet de cette souffrance sur la psychologie de la victime
Ma mère assistait impuissante à la destruction psychologique de la vie de sa fille. Devenue ma psychologue, elle me prodiguait des conseils tout le temps. Je me réfugiais dans ses bras et dans ses ressources de la médecine traditionnelle. Mais rien n’y fit. Après 8 ans de vie sans pouvoir jouir de la maternité, mon mari finit par flancher sous la pression familiale. Il m’a demandé de rejoindre mes parents. Toutes mes tentatives de l’arraisonner furent vaines.
Je viens d’être mise à la porte. Cette vie que nous avions rêvée, pensée, construite ensemble, elle venait de s’écrouler sous mes pieds sous une pression familiale. Je ne sentais plus mes pieds, mes jambes étaient lourdes. 30 ans et me voilà contrainte de retourner chez mes parents, après une vie détruite, une histoire d’amour inachevée, noyée sous les pressions sociales. Ola dût prendre une seconde épouse. Et c’est après cette seconde union que Ola souffrait d’un problème de stérilité. Les jugements font vraiment mal et détruisent.
Le malheur que crée l’absence du fruit espéré du mariage
Un mariage sans enfant est beaucoup critiqué par la société en général, en l’occurence les familles. La tradition rejette souvent le tort sur la femme dans ce cas, sans fondement aucun. Elle est tenue responsable de la stérilité du couple par son mari, sa belle-famille et son entourage, pour ne citer que ceux-là. Leur foyer est vu comme un véritable nid de malédiction. La sanction d’une faute commise par la jeune femme, la conséquence d’un mauvais sort jeté par une personne malfaisante ou la rupture d’un interdit cultuel ou encore moins les retombées d’une mauvaise gestion de sa jeunesse.
Au lieu de penser à la possibilité que cette infécondité soit liée à un problème sanitaire auquel des solutions pourraient être trouvées, cette femme devenue la risée de son entourage commence la recherche imminente de remède contre ce mal qui la ronge. Bonjour les consultations donc chez les tradipraticiens, les guérisseurs traditionnels. Les marabouts avec leurs potions magiques ou clamant leurs aptitudes pour conjurer le mauvais sort sans succès. La belle-famille qui au début de l’union était agréable et gentille avec sa bru devient son pire cauchemar, avec des insultes à longueur de journée en vue de séparer le couple et pouvoir remarier leur fils à une autre femme.
Cette attitude crée parfois de vives tensions entre le fils et sa famille, s’il arrivait à contester la décision de ses parents. Malheureusement, on constate que l’homme finit par obtempérer parce que l’une des valeurs prônées en Afrique est le respect absolu de la famille génitrice ou du moins les bases coutumières familiales. Le plus souvent, c’est après le second mariage toujours sans enfants que la famille de l’homme se rend compte qu’en réalité, le problème vient de leur fils et non de l’épouse qu’il a quittée.
Avec l’évolution de la société et de la médecine, quelques-unes de ses femmes rejetées, auxquelles l’étiquette de stérilité a été collée, se rendent chez les spécialistes. Ceci étant, force est de constater qu’elles n’osent pas recommander à leurs époux de faire des tests pour établir un bon diagnostic. Même à la demande du médecin ou du gynécologue.
Il est important d’avoir désormais un nouveau regard sur la femme
Les us, coutumes et religions ont contribué en majorité à façonner l’image de la femme dans la société. Il ne faudrait cependant pas oublier que la femme est un être humain, une personne à part entière ayant des droits fondamentaux qui doivent être respectés.
Ces préjugés sur la femme dénaturent cette dernière et contribuent à la non-application du principe de l’égalité homme-femme. Bien évidemment, être femme, c’est avoir la capacité de procréer mais aussi être femme, c’est vivre librement sa vie sans avoir à supporter les préjugés liés à son sexe. On est femme avant d’être mère. Notre existence ne peut en aucun cas se réduire à l’enfantement. En dehors de toutes autres considérations culturelles, ethniques et religieuses, Femme tu es et Femme tu resteras.
Avez-vous été victimes ou témoins d’une situation pareille ? Dites-nous comment vous l’avez-vécu et surmontée.
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